Qu'est-ce que la projection ? Un mécanisme de défense avant tout qui peut-être résumé par cette seule citation de Jean Monbourquette : "Les côtés malaimés de nous-mêmes que nous tentons en vain d’éliminer de nos vies se projettent sur les autres, et nous forcent à les reconnaître." La plupart du temps nous projetons notre ombre sur autrui. C’est lui qui a toujours tort. Cette projection de toutes nos négativités alimente nos aversions incompréhensibles et nos haines viscérales. Mais elle est aussi un moyen de voir clair en nous, à condition de prendre conscience de cette projection. Nous projetons ce que l'autre est, ce que l'autre fait, ses actes, ses comportements, ses attitudes, ses sentiments, ses ressentis, ses désirs, ses craintes, ses peurs, ce que l'autre méconnaît ou refuse/rejette en lui... Nous projetons ce que l'autre a déjà ressenti/observé comme une difficulté psychique ou émotionnelle, ce à quoi l'autre est identifié, conditionné de manière consciente ou inconsciente, peut-être en lien avec ce que l'autre a observé tout autour de lui auparavant. Dans l'enfance ou à l'adolescence, par exemple avec ses parents, sœurs, frères, grands-parents ou autres personnes de l'entourage proche...
Plus clairement dans le sens psychanalytique, la projection c'est l’opération par laquelle le sujet expulse de soi et localise dans l’autre, personne ou chose, des qualités, des sentiments, des désirs, voire des objets, qu’il méconnaît ou refuse en lui. Dans le sens de la psychanalyse, la projection est comme je l'ai dit plus haut, un mécanisme de défense qui, pour expliquer de façon simpliste, nous permet de nous avouer à nous-mêmes que nous avons telles émotions, croyances, pulsions, etc… Allant à l’encontre de la vision idéalisée que nous avons ou voulons avoir de nous-mêmes qui nous met dans une angoisse tellement inconfortable que par un joli tour de passe-passe mental, nous escamotons l’objet du scandale pour le rematérialiser chez quelqu’un d’autre. Parce que nous ne sommes pas en mesure d’affronter notre propre réalité, parce que nous ne voulons pas nous voir tels que nous sommes vraiment, nous avons mis au point « à l’insu de notre plein gré » ce mécanisme qui permet d’accuser les autres plutôt que de s’incriminer soi-même. Le plus souvent, ce que nous projetons sur autrui, ce sont les parts de nous-mêmes que nous jugeons le plus négativement. C’est parce qu’elles nous sont intolérables que nous ne pouvons les assumer consciemment et que nous tentons de les expulser hors de nous. En résumé, la projection correspond à l'opération mentale par laquelle une personne attribue à quelqu'un d'autre ses propres sentiments, dans le but de se sortir d'une situation émotionnelle vécue comme intolérable par elle : la personne n'a pas conscience d'appliquer ce mécanisme, justement car elle n'accepte pas les sentiments, ou sensations, qu'elle « projette » à l'extérieur, sur l'autre ou sur un objet. Notre perception de nous-mêmes ne peut qu'être fausse, déformée par nos émotions, nos souvenirs d'enfance, et/ou le regard des autres. Il s'agit donc de mouvements pulsionnels intolérables, ou en tout cas, perçus comme tels.
L’inconvénient de cette projection tient à sa nature de mécanisme de défense : s’il nous évite un inconfort émotionnel, il ne nous permet cependant pas de progresser sur le chemin de la connaissance et de l’acceptation de soi puisque la raison d’être du mécanisme est justement d’éviter que nous soyons conscients du processus d’occultation qui se déroule en nous. Donc, si vous tombez sur une personne réveille chez vous cette conscience, c'est le drame ! C’est fondamentalement une question de responsabilisation : tant que nous projetons les contenus non assumés de notre ombre, nous restons incapables de reconnaître ces aspects de personnalité comme étant les nôtres et de fait, il nous est impossible de les faire évoluer vers plus de conscience.
Deux options s’offrent alors à la personne concernée par ses projections. La première est de se poser en victime, avec le risque que la leçon lui soit resservie jusqu’à ce qu'elle la comprenne (le principe de répétition). L’autre option est celle de la responsabilisation, de se demander quelle est sa part de responsabilité sur laquelle il est possible de travailler. Dans cette optique, la personne qui réveille cette projection ne sera plus vue comme indésirable, mais comme quelqu’un qui entre dans sa vie pour la faire avancer.
La relation aux autres peut être un extraordinaire outil de connaissance de notre fonctionnement intérieur, pour peu que l’on prenne conscience du processus mis en œuvre dans la projection. Par définition, le mécanisme de la projection est inconscient au moment où il se déroule. Cependant, avec un très léger décalage, il est possible de prendre conscience de ce qui est en train de se passer, de réaliser que l’autre me reflète qui je suis. C’est ce qu’on nomme communément l’effet miroir. La première étape de ce processus consiste tout d’abord à reconnaître quand un effet miroir est à l’œuvre. Ce n’est pas facile, car cela demande une bonne dose d’honnêteté et d’humilité, ainsi que beaucoup d’amour de soi pour ne pas rejeter ce que le miroir nous renvoie.
J'ai été confrontée à cela il y a peu avec une modèle... Parfois la photo est un moyen de prendre conscience de ce que l'on est vraiment (je parle en termes d'images) et ne permet plus de s'imaginer telle que l'on voudrait être dans les yeux des autres (la cause aux filtres, retouches abusives, etc)... L'image est une réalité. D'ailleurs mon ancienne modèle Phoebe Scilla à pris conscience de sa beauté grâce à nos séances photos, pour d'autres c'est plus compliqué car elles prennent conscience de ce qu'elles ne seront jamais. Mes photos sont dans ce cas rejetées car elles renvoient l'image de ce qu'elles sont vraiment, le rêve et l'idéalisation ne sont plus permis. Pourtant, elles sont très bien comme elles sont, mais elles voudraient que nos yeux les voient autrement. L'image fige à jamais ce que l'on est, un effet miroir que certaines ne se pardonnent pas et ne pardonnent pas plus à la photographe, pourtant respectueuse, que je suis. Car, en tant que photographe je ne triche pas avec mes modèles, je ne leur ment pas sur ce qu'elles sont, je considère que ce n'est pas mon rôle. Je m'adapte, je change de style, et j'aime faire cet effort car cela me permet de sortir de ma zone de confort, l'expérience est toujours enrichissante et intéressante. L'acceptation de son image n'est pas toujours facile à l'air de photoshop, filtres et autres tours de passe-passe qui défigurent et dénaturent ce qu'est vraiment la femme ainsi que le corps de la femme. Pas facile de s'accepter dans notre monde actuel.
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