Il y a de cela un mois à peu près, j'ai décidé de reprendre mes périples normands avec sac à dos et appreil photo, en longeant autant que possible la côte, voire même mieux la falaise. Le jeu est de faire l'aller retour d'un point A à un point B, dans la journée, en passant (si possible), un coup par la plage un coup par le haut. L'année dernière je m'étais arrêtée à Veules-les-Roses. Ce jour-là donc, je gare la voiture sur le parking "les Canons", celui qui se trouve tout en haut du village pour me faire une jolie randonnée jusqu'à Saint-Valéry-en-Caux. Je longe, je longe la falaise mais très vite je suis obligée de m'éloigner de la côte pour me retrouver à marcher au bord des champs, des champs et des champs. Alors Saint-Valéry-en-Caux c'est à 8 kilomètres environ de Veules-les-Roses. Mais 8 kilomètres d'une balade qui s'avère peu intéressante et satisfaisante avec une interminable ligne droite...
Un paysage monotone, sans intérêt pour moi et mon appareil photo, des lignes droites en quantité illimitée. J'arrive en traînant un peu des pieds à Saint-Valéry-en-Caux. Je m'y balade, je connais un peu, je fais le tour et je m'octroie une sympathique pause déjeuner. Puis je repars en vadrouille un peu dans la ville. Je redécouvre cette église de pêcheurs plutôt stupéfiante et haute en couleurs, je traîne un peu proche du phare et de ces falaises que l'on voit à perte de vue... Mais il est encore tôt, alors je me lance sans trop me soucier de grand chose mais surtout sans réfléchir dans la continuité de ma marche en direction du village d'après, à savoir Veulette-sur-Mer, soit 9 kilomètres plus loin, frustrée de n'avoir pas pu marcher en haut de la falaise avec la mer pour vue.
Me revoilà partie à longer une quantité folle de champs sans jamais voir la mer. Je croise des vaches attachantes avec leur regard plein de curiosité à mon encontre que j'essaie d'attirer en leur tendant de l'herbe fraîche arrachée de l'autre côté, le mien, des barbelés... Je marche, je marche sur des petites routes de campagne cachées et perdues. Au loin, une énorme centrale électrique. Je fais des photos, ici et là, je pense au projet "Ecopsychologie", je la contourne du mieux que je peux... Puis l'espoir, en suivant la centrale, la côte enfin. Je pense pouvoir longer cette fameuse côte un moment donné, voir la mer du dessus... Que nenni ! Arrivée au bout, tout est barricadé ! Impossible de passer, sécurité nationale oblige ! Me voilà obligée de faire demi tour pour contourner cette fameuse centrale. Elle est gigantesque et m'oblige à revenir sur la route en ligne droite, dans un paysage complètement dénué d'intérêt. Je marche, je marche. Qu'elle me paraît interminable cette centrale. Je prends divers chemins pour essayer de me rapprocher de la côte, je cherche, j'essaie. J'arrive presque à Veulette-sur-Mer, je vois le village du dessus, enfin. Petite surprise un petit parcours à découvrir avec divers bunkers avant d'arriver sur la plage. Une fois arrivée à Veulette-sur-Mer, je me rends compte qu'il est 17H, mais je réalise surtout que pour retourner jusqu'à ma voiture, il me faut parcourir 9 plus 8 kilomètres dans l'autre sens, avec un parcours sans intérêt... Dans la mesure où je les ai déjà fait en plus des petits mètres ici et là pour vadrouiller à la recherche d'une éventuelle photo... Pas de panique. Je décide de me poser à une terrasse, de me prendre une petite crêpe caramel beurre salée avec un petit monaco et de rentrer tranquillement... Je commande, je mange sans trop traîner et ne me demandez pas pourquoi, je décide de passer par la plage au moins peut-être jusqu'à Saint-Valéry-en-Caux parce qu'après tout je n'ai que très peu vu la mer aujourd'hui dans tout ce prériple et je viens un peu pour la photographier ! Alors, je me lance à une cadence plutôt très rapide dans ces espèces de cailloux ronds qui ressemblent à des galets mais qui sont plus gros que des galets, un enfer pour marcher. On s'enfonce, les chevilles sont à deux doigts à chaque pas de se retourner... Peu importe, j'avance... Me voilà au bout de 2,5 kilomètres bloquée par une espèce de mur géant sans accès... Et oui ! La sacro sainte centrale électrique ! Aucun moyen de passer possible, obligée de faire demi tour. Hop, c'est reparti pour 2,5 kilomètres dans les cailloux et retour à Veulette-sur-Mer.
Voilà donc 5 kilomètres de fait pour rien. Donc je vous passe les détails, mais je fais le chemin arrière, 9 kilomètres qui m'ont déjà semblé interminable jusqu'à Saint-Valéry-en-Caux, puis 8 kilomètres jusqu'à Veules-les-Roses. Une expérience très difficile, un combat avec moi-même. Je pensais sincèrement que je n'y arriverais pas. Les jambes se tétannisent, la longueur et la monotonie du trajet sont quasi insupportables. Plusieurs fois je me suis assise au bord d'un champ et plusieurs fois j'ai bien cru que je ne bougerais pas de là. C'était un réel combat contre moi-même. Dans cette petite aventure j'ai tout de même eu la chance de ne pas faire la route dans la nuit noire car j'étais dans les jours les plus longs. La nuit tombe un moment mais alors pile quand j'arrive au panneau de Veules-les-Roses. Les vaches me regardaient comme si j'étais une folle perdue là. Bref, j'arrive au panneau certes, mais il m'a encore fallu traverser tout le village et remonter tout un tas de petites marches pour arriver jusqu'au parking où la voiture était garée, il était environ 23h30 ! Vous me croirez ou pas, mais une fois à la voiture j'ai fondu en larmes. Les nerfs et puis je n'avais de cesse de me répeter "Je l'ai fait". Alors pour vous situer, ça fait 8 + 9 + 5 + 9 + 8 = 39 kilomètres, plus ceux perdus ici et là, déjà rien qu'en traversant le village pour rejoindre la voiture, mais aussi ceux réalisés tout au long de la journée à la recherche de spots photos en sortant "du chemin directe" pour la destination. Donc au final, en une journée je pense avoir fait environ 42 kilomètres. Alors, déconvenue lorsque je suis rentrée parce que les photos étaient décevantes et peu nombreuses... Mais grosse satisfaction personnelle dans le dépassement de soi. La performance est assez belle pour être soulignée, et... Aujourd'hui, je sais que le mental est là si besoin est, et comme j'avais plutôt tendance à me sentir faible depuis quelques temps à cause d'une cascade de petites épreuves de la vie cela tombe bien. Depuis, la confiance remonte en moi comme la sève dans l'arbre au printemps.
Alors la vie ne récompense peut-être pas toujours les audacieux, mais la vie est quand même bien faite, parce que cette expérience que j'ai vécue dans la souffrance je dois bien l'admettre, j'en avais besoin pour régler certaines choses avec moi-même dans un premier temps, mais surtout pour repartir avec à l'esprit le fait que "si je veux, je peux" ! A bientôt pour de nouvelles aventures photographique !
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